1 mars 2018

Anatole France et Charles Bukowsky : quand l’érotisme fait parler l'amour (ou inversement)

Lettre d’Anatole France à Madame de Caillavet


Anatole France (16 avril 1844 – 12 octobre 1924), écrivain renommé de la Troisième République, penseur politique engagé pour des causes sociales, Prix Nobel de Littérature en 1921, a abandonné son épouse pour vivre son amour passionnel avec Madame de Caillavet, grande salonnière de l’époque. Le 15 août 1888, à l’âge de 44 ans et au tout début de leur idylle, il envoie à sa maîtresse cet effluve érotique, tendre et doux.

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"Viens et disons : « tout le reste était un rêve ! ». 
Viens, je suis tout en toi. […]"

15 août 1888

Ma bien-aimée,

Si tu savais comme je t’aime, tu m’épargnerais et tu ne m’enverrais pas de fleurs mordues par tes dents. Tes dents, je crois les voir briller dans ton sourire  et ma bouche, et mon âme se fondent sous l’illusion d’un baiser. Tes lèvres me fuient et les débris de la corolle sèche restent là, brûlés par ton souffle. J’y contemple en frissonnant la petite ligne régulière de tes morsures, et toute ma chair crie au souvenir ardent de tes baisers. Oh ! si ! envoie, envoie-moi des fleurs parfumées de ton haleine. Envoie-moi tout ce que tu pourras de toi. Je souffre délicieusement à sentir tous tes effluves. Mais, vois mon orgueil : où je te sens le plus, c’est sur moi.

Je sens que tu as laissé sur moi une part de toi-même. Je me sens sacré, je suis chose divine, puisque je suis ta chose, ô ma maîtresse, ma gloire, ma vérité. C’est dans l’extase que je me représente la consécration que tu as fait de moi en mêlant ta chair à la mienne. Reviens, mourons ensemble de volupté et que tu me sentes en toi jusqu’à l’âme. Quand tu recevras cette lettre… une lettre, oh ! non, un cri de ma chair et de mon sang, quand tu liras ce feu vivant, ma chérie, tu sauras le jour de ton départ ; alors dis-le moi. Je compterai les minutes.

Viens et disons : « tout le reste était un rêve ! ». Viens, je suis tout en toi. […]


Lettre de Charles Bukowski à Linda King

Sulfureux auteur à l’œuvre pour le moins transgressive, Charles Bukowski (1920-1994) a toujours eu pour thèmes de prédilection l’errance, les femmes et l’alcool. Ce « vieux dégueulasse », instable et chaotique, vit dans les années 1970 une passion brûlante avec la sculptrice et poétesse Linda King. Cette lettre qu’il lui écrit en 1972 ne laisse planer aucun doute sur la nature de leur relation…

Sans titre
"Essayer d'attraper ta langue 
avec ma bouche..."

1972

Ton petit jeu de mains baladeuses m’a plu, ça m’a rendu chaud comme la braise… Tout ce que tu fais me rend chaud comme la braise… Quand tu jettes de l’argile au plafond… Toi la chienne, toi la mégère rouge et brûlante, toi la ravissante, ravissante femme… Tu as fait naître de nouveaux poèmes, de nouveaux espoirs, une joie nouvelle et de nouveaux tours chez un vieux chien, je t’aime, j’aime les poils de ta chatte que j’ai senti avec mes doigts, l’intérieur de ta chatte, mouillé, chaud, que j’ai senti avec mes doigts ; toi, debout contre le réfrigérateur — ton réfrigérateur est si merveilleux — tes cheveux lâchés, toi, là, sauvage, l’oiseau sauvage, la chose sauvage qu’il y a chez toi, brûlante, obscène, miraculeuse… Te tordre le cou, essayer d’attraper ta langue avec ma bouche, avec ma langue…

Nous étions à Burbank et j’étais amoureux, d’un amour d’outremer, ma bon dieu de maudite déesse, mon allumeuse, ma chienne, mon mon mon mon con de Paradis entouré de poils, battant, respirant, je t’aime… Et j’aime ton réfrigérateur — et quand on s’attrapait et qu’on luttait corps à corps, cette tête sculptée qui nous regardait avec son petit sourire lyrique, cynique, amoureux, ardent…

Je te veux,

Je te veux,

Je te veux TOI,

TOI TOI TOI TOI TOI TOI !

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